mercredi 19 novembre 2008

Nous sommes tous des terroristes

Depuis le 11 Novembre, notre ministre de l'intérieur et l'autorité judiciaire entretiennent savamment la fièvre médiatique autour du nouvel ennemi intérieur. Après l'immigration des travailleurs clandestins sapant l'économie, les réseaux de barbus infiltrés prés a répandre le sang, la racaille des cités populaires incendiant nos villes, les casseurs violents contre le CPE, le danger s'appelle « mouvance anarcho-autonome ». Sans preuves et sans procès, les coupables sont là. L'Etat, la justice et la presse piétinent allégrement la présomption d'innocence, heureux que la jeune Direction Centrale du Renseignement Intérieure leur offre si tôt de si beaux bouc-émissaires. La France peut avoir peur. Redite des Irlandais de Vincennes? Nous laissons aux prévenus et leurs avocats prouver leur innocence. 

La France a peur, oui. 9 jeunes gens subissent des lois d'exceptions, sont accusés de terrorisme. Parce qu'ils lisent. Parce qu'ils écrivent. Parce qu'ils communisent leurs revenus et leurs biens. Parce qu'ils cultivent un potager bio. Parce qu'ils préfèrent faire eux mêmes ce dont ils ont besoin. Parce qu'ils refusent l'individualisme sclérosant et déprimant en vivant en communauté. Parce qu'ils manifestent. Le GIGN saute sur un bateau parce que des grévistes utilisent leur outil de travail, des faucheurs d'OGM sont emprisonnés, des manifestants aussi pour avoir transportés des fumigènes et des clous tordus crevant des pneus. La France peut avoir peur, celle des révoltés et insoumis, celle aussi des blogueurs et forumeurs, des bibliophiles et des tricoteurs, des colocataires et pire, celle des bricoleurs et jardiniers. Nous sommes tous des terroristes. 

Des gamins tous les jours arrêtent les trains en tirant sur les sonnettes d'alarme. Saboteurs! Terroristes? Nous ne savons pas, nous anarcho-syndicalistes, ce qu'est une « mouvance anarcho-autonome », terme facile et flou inventé par les policiers. Nous savons ce qu'est l'anarchisme ouvrier, nous savons ce qu'est l'autonomie prolétarienne. Nous nous souvenons qu'un secrétaire général de la CGT, un fondateur, a théorisé le sabotage comme outil de lutte lorsque la grève et la manifestation ne sont plus possibles. Il fait partit de l'héritage du mouvement ouvrier, comme nos mutuelles et nos syndicats. Ce n'est pas du terrorisme. C'est de la résistance. Nous sommes loin de la lutte armée. Quel que soit l'auteur de ces sabotages, quel que soit ses motifs, une loi d'exception est absurde. Nous voyons a quel point notre société policière peut facilement, avec ses fichages, ses dérogations, sa puissance reprendre notre maigre liberté et notre faible égalité et détruire nos espaces de lutte. Comment il peut nous entôler si nous sortons de la norme et cherchons d'autres possibles. 


Contre la repression du mouvement social 
Rassemblement devant le Palais de Justice Samedi 22 Novembre 14H 

DELIT DE LIRE

Désormais nous n'utilisons plus de fers à béton. Trop risqué. 

Nous sortions à peine des funérailles d'une date, 1968. Funérailles aux allures de veillée funèbre anglo-saxonne, blagues de potaches autour du cadavre pourri, pour ceux qui y avaient participé ou, funérailles en forme d'ultime balle dans la nuque pour se débarrasser définitivement de son souvenir pour les autres. On peut alors s'étonner de l'étrange duo auquel s'adonnent ceux, aujourd'hui au gouvernement, qui voulaient en finir avec 68 et ceux travaillant pour certains médias nés de cette date. Duo chanté, messe de résurrection du « groupuscule d'extrême gauche ». 
Fabrication de coupables ? Non, d'ennemi. Ennemi politique nécessaire pour ceux qui pensent que la politique consiste à le désigner. Ennemi pratique. Important, mais juste une centaine. Anarchistes, mais de bonne famille. En réseaux internationaux, mais non organisés.  
Que dire ? Des faits, rien. On se demande même s'il en fut. Un seul pourtant, l'arrestation de dix personnes dont nous partageons les idées, la colère, un certain goût pour le des-ordre et (c'est peut-être le plus risqué aujourd'hui) les lectures. 

Ceux qui croyaient que le traitement médiatique de cette affaire allait leur en apprendre un peu plus sur cet espace particulier de l'alternative culturelle et politique, en sont pour leurs frais. C'est en revanche sur les (dys)fonctionnements et comportements politiques, médiatiques et policiers qu'ils en apprendront ; sur la dramaturgie mille fois répétée. Ici, le média n'est plus le conteur, l'historien, le metteur en scène. Il est, semble-t-il, la voix off d'une pièce écrite ailleurs à laquelle, de bon gré, il collabore. Le policier, lui, est à la fois acteur et souffleur. Viennent ensuite les personnages tiers, le spécialiste de la résolution des problèmes, l'analyste, hier spécialiste de l'extrême droite, aujourd'hui de L'UTRAGAUCHE. Rien de réel en somme, sourires télévisés de ministres et de dirigeants de la SNCF quand on engeôle, puis, des mots de journalistes, tous confondus, en forme de scoop péjoratif, groupuscule, etc.. Puis silence confus, sans revenir sur leur mot, un peu de doutes pourtant. Grâce aux médias on apprendra aussi que ne pas avoir de téléphone portable ou de connection Internet signifie entrer en clandestinité. Bref, que se soustraire à des possibilités de contrôles illégaux c'est ENTRER EN CLANDESTINITE. Voilà les conséquences directes du passage de main des RG à la DST. Et les syndicats qui s'enorgueillissent aujourd'hui de ne pas être responsables des « sabotages » le comprendront bientôt à leurs dépens. 

Nous ne sommes pas ici pour disculper les interpellés du 11 novembre, ils s'en chargeront, leurs avocats aussi, mais pour instruire à charge. Non pas un corps : journaliste, flic, politique,mais instruire à charge ce qui les dépasse et les nourrit, « il sistema » disent les Napolitains en parlant de la mafia. « Il sistema » donc; une fable à laquelle adhérer pour qu'elle vous nourrisse. Une histoire qui veut diriger nos vies. 

Le hululement médiatique avait précédé de quelques jours la pleine lune. Le disque parfait finalement arrivé, le cri semble s'apaiser. Cependant, la meute en mal d'infos vendables était passée par les différents stades du dégonflement. À défaut de preuve, ne lui restait plus qu'à instruire à charge les malsaines lectures et écritures des interpellés. Ainsi, la lecture de certains livres semble être devenue un délit. 

Et c'est comme un mauvais rêve de mauvais cinémas.  
Les personnages se réveillent. Ouvrent le journal, dans lequel ils voient peu à peu s'esquisser un portrait robot.  
Ce portrait, c'est eux, c'est nous.  
Nouvel ennemi.  
Sa simple désignation, création ou interprétation sous le crayon policier suffit alors à légitimer la sphère politique traditionnelle dans son ensemble, son exercice de surveillance, de conditionnement, sa petite et mesquine guerre sociale organisée. 

C'est un mauvais rêve. 

Et voilà que nous nous réveillons avec un joli nom tout neuf (quoique) ULTRAGAUCHEANARCHOAUTONOME. Pour notre part, nous n'aimions déjà pas ARTIVISTES. 
Mais attention, pour participer à la fiction il y a des critères, des épreuves éliminatoires. La télé réalité politique fait son casting. 
De 25 ans à 35 ans. 
Possédant un, deux, ou pire, tous les livres de Guy Debord, Blanqui, Gramsci, Gatti peut-être... 
Ayant participé à un ou plusieurs G8 sans pour autant faire partie de la L.C.R. ou d'A.T.T.A.C. 
Étant ou tentant de devenir anarchiste. 
Croyant que la politique s'élabore et se pense mieux dans l'action que dans les réunions. 
N'appartenant à aucune organisation politique ou syndicale. 
Ne se regroupant pour travailler, réfléchir, agir ou même parfois manger que par affinités. 
Tentant de mettre en accord sa vie et ses idées. Pire, de faire en sorte que chacune se nourrisse de l'autre. 
Refusant la sectorisation sociologique et psychologique pour eux/nous-même, pour les autres. 
Et le voilà, le bel et nouvel ennemi. 
Eux/Nous. 

Et si ça ne suffit pas, pour vous en convaincre, quelques images de manifestants à capuche lançant des cailloux. (1) 
Et si ça ne suffit toujours pas, alors on rejoue. 
On fait de la reconstitution pour le photographe, le cameraman, 
11 novembre 
Pendant que là, un poilu, dodu et bien lavé, est en train de se faire panser le bobo par une infirmière avec, en voix off, l'absolution présidentielle des mutins fusillés en 14/18. 
Ici, c'est l'arrestation d'Action Directe que l'on rejoue. 
Il y a du flic à cagoule, de la voiture banalisée aussi. 
Il y a même le gentil voisin qui doit dire qu'il ne s'en doutait pas (mais là, le personnage de théâtre fera de la résistance et ne jouera finalement pas le rôle imposé) 
Ça ne suffit pas encore ? 
Il faut l'image de la ferme ! Celle de Rouillan ou celle de la Creuse d'ailleurs ? 
Plan large, au lointain. 
On ne peut pas s'approcher, la maison mord sans doute. 
On apprendra jusqu'à son prix d'achat 200 000 €, en même temps que l'extraction sociale d'un des membres, pardon, du chef : « bonne famille et pourtant anarchiste ». la trahison de classe ça ne se pardonne pas ! 
Ah d'ici qu'elle est belle, imprenable, la planque des dangereux ! 
Et des planques, il en faut, des maquis, des replis où penser, où agir. 
Pour nous ce fut l'art contemporain où, c'est bien connu, on vous laisse faire le sauvage. Seul espace, où, nous le confessons, à couvert, nous avons pu traiter et agir sur la ville AVEC ceux qui en étaient exclus. Mettre en place une parole, une pratique qui nous auraient valu une excommunication de la Maison de l'Architecture ou du Ministère de la Ville. Ici, à Tarnac c'est une maison, une épicerie et, sans y être jamais allés, nous supposons une bonne bibliothèque. 

Devons-nous parler ici des génies du lieu, de la verticalité historique de certains points géographiques qui semblent pourtant dans une étrange poétique territoriale en dire assez long sur notre réel :  
Reims, Vichy, Tarnac.  
Pour ces deux dernières villes, une époque d'horreur. Pour l'une l'horreur d'un gouvernement fasciste, pour l'autre l'horreur de la prison ou du camp qu'attendent le maquisard réfugié ici, le général Guingouin ou Gatti (rangés tous deux au rang d'anecdotes viriles par un journaliste de Libération). Et là, aujourd'hui, encore « guerre du rail ? », sabotage, terrorisme ? Bien que notre culture judiciaire soit quelque peu défaillante, nous le confessons, nous ne pouvons nous empêcher de nous étonner de la juxtaposition et, dans la bouche du pouvoir, de la synonymie de ces deux mots : sabotage / terrorisme. Quand, dans l'histoire de ce pays, ces deux mots furent-ils pour la dernière fois juxtaposés ? Quand, pour la dernière fois, ont ils conduit derrière les barreaux ? 
Sabotage / Terrorisme. Sabotage = Terrorisme 
Mauvais souvenirs, ceux d'une époque qu'évoque immanquablement pour nous le nom de ces deux villes Tarnac/Vichy...
Les temps brunissent. 

On aurait tort de ne voir dans cette affaire qu'un problème de politique intérieure, un problème franco-français. Tort aussi de jouer le même jeu que celui des pouvoirs, la diabolisation. Diabolisation d'un parti, de son leader devenu président. Le problème est tout autre, plus grave, généralisé. Ce problème est un problème politique essentiel, européen pour le moins, occidental certainement. L'après-guerre a vu le marxisme devenir la colonne vertébrale de la pensée politique. On était pour. On était contre. On voulait réformer ce modèle. mais toujours on tournait autour. Et voilà que la guerre, qui, bien que froide, en était tout de même une, est perdue par le camp marxiste. Depuis, et cela ne date ni des dernières élections présidentielles ni de celles qui ont vu le Front national au deuxième tour, la colonne vertébrale de la politique est devenue, nous le craignons, le fascisme. On est pour. On est contre. On veut le réformer, l'intégrer, le dissoudre dans des programmes en agitant l'épouvantail, la menace ultime.  
Non, ni des dernières élections ni de celles d'avant, ni...  
Souvenez-vous d'une étrange Europe : Aznar en Espagne, Berlusconi en Italie, Chirac en France, un fasciste en Autriche et l'extrême droite montante en Allemagne, en Belgique...  
Problème européen ? C'est certain. Occidental ? Sans doute. 
Cette affaire n'est en effet pas sans rappeler une autre, ailleurs, aux États Unis. Mêmes jeux de lois d'exceptions, promulguées pour faire face à la menace terroriste, mêmes aberrations, même manque de preuves, même refus des autorités politiques et judiciaires de faire marche arrière : l'affaire Steve Kurtz. (2) 

Steve Kurtz est membre fondateur du groupe « Critical Art Ensemble ». Une nuit, sa femme décède d'une crise cardiaque. Il appelle les services sanitaires concernés et, comme le Patriot Act à l'instar de notre LSQ, prône la fusion des services, ce sont aussi les pompiers et les forces de police que Kurtz voit débarquer dans son logement. Le décès de sa compagne est constaté : crise cardiaque. Cependant, les policiers zélés (ou désoeuvrés) jettent un oeil curieux à la bibliothèque du couple et y découvrent d'étranges ouvrages, philosophie, politique, anarchie, science, certains parlent d'ADN. Une autre pièce ? Ils continuent, visitent : l'atelier. Dans cet atelier le matériel que Steve utilise pour son futur projet. Ustensiles rudimentaires permettant d'extraire l'ADN des produits de consommation courante. Ce sont alors des silhouettes de séries télévisées qui débarquent à son domicile. La rue est bloquée, des hommes en combinaisons blanches encagoulés eux aussi (notez la simplicité du code couleurs : capuches blanches pour les gentils, capuches noires pour les méchants) arrivent chez lui. Son matériel est saisi, ses livres sont saisis, son chat est saisi, le corps de sa femme est saisi. Patriot Act oblige. Il est en possession de matériels interdits, livres, éprouvettes, etc. Aussitôt incarcéré, il est accusé de conspiration terroriste. Ses avocats travaillent, il semble disculpé. mais, miracle des lois d'exception, on remonte à ce qu'il a pu écrire, à ses projets antérieurs. On l'accusera finalement de fraude postale puisqu'il envoyait des échantillons à son collaborateur vivant dans une autre ville des États-Unis. 

N'en déplaise à nos compatriotes, participants à la course de côte vers le pouvoir, qui auront tôt fait de tirer leurs marrons du feu, d'utiliser les interpellations du 11 novembre à des fins électorales, « ce [problème] n'est pas limité au territoire malheureux de notre pays. Ce [problème] est un [problème] mondial... »  

On nous accuse d'entretenir des réseaux, des contacts avec d'autres groupes dans d'autres pays, politiques, activistes, artistes etc. quand un réseau bien plus important, mieux organisé, structuré, plus puissant réuni 20 de ses membres dans une ville américaine sous son plus joli logo : G. 20. 

C'est un espace compliqué que le nôtre, qui par nature tente de surpasser tout commentaire. C'est un travail sérieux que de tenter d'expliquer des parcours individuels qui tentent d'INCARNER des polyphonies d'alternatives culturelles et politiques. Des individus qui tentent dans un univers qui ne s'y prête pas, quand il ne l'empêche pas, d'accorder leur vie et leur pensée. Va pour ULTRAGAUCHEANARCHOAUTONOME si c'est pour expliquer que c'est le seul espace respirable, celui de la complexité politique, de l'expérimentation et de la créativité. Expériences multiples, types d'actions multiples, tentatives de tentatives, joyeuses souvent, pour voir changer le monde. Ici, une revue ; là, des participations alternatives aux manifestations ; ailleurs encore un travail de dénonciation ; plus loin, un autre d'intervention urbaine ; un groupe de rock ; une épicerie... 
Saboteurs ?  
Saboteurs nous le sommes, saboteurs symboliques d'abord. 
Saboteurs des pensées de reconduction du même culturel ou politique. 

Expliquer ça ? Impossible, nous, le savions pour les pouvoirs (et nous ne parlons pas uniquement ici du parti au gouvernement mais de l'ensemble d'une classe politique cachant son indigence derrière le masque du réalisme statistique) ; impossible pour les grilles fermées des médias aussi, de leur nombre de signes, de leur comité de rédaction, de leur temps d'antenne et de leur pages de publicité à vendre. Impossible ! Il leur faut des repères... le plus simple ? Le chef. Il faut un chef, quitte à le fabriquer. A-t-on déjà vu des personnes vivant ou travaillant ensemble sans chef ? (Notons ici que le chef désigné est celui qui écrit, théorise. Pour une fois, contre toute attente, il semble que l'on reconnaisse à la culture et à l'intelligence un certain pouvoir. Imaginez un peu si celui qui nous gouvernait était toujours le plus intelligent ou cultivé...) Expliquer ça ? Impossible surtout quand le travail journalistique devient celui de perroquet policier. « l'ultragauche déraille » titre Libé. « Le titre est bon et apparemment justifié puisque l'accusation publique a été portée par la police, par le Ministère de l'Intérieur avec des éléments, notamment le matériel saisi à Tarnac » indique le rédacteur en chef (3) avant de montrer du bout du doigt les précautions qui avaient été prises, puis la silhouette dans l'oeil rond de sa fenêtre présidentielle semble elle même pirouetter : « c'est peut-être l'ultra gauche mais si c'est un autre groupe, l'histoire qu'on raconte ne tient plus debout ». Voilà ! « L'histoire qu'on raconte » le grand récit, le même toujours . Avant d'ouvrir sur « l'opération politique », « sans doute » qui viserai muettement à créer l'amalgame entre Besancenot et la violence politique. Même là ! Il faut des repères, assurer dès maintenant le service après vente de l'affaire au cas où par malchance elle s'effondrerait. On notera aussi ici la perduration de l'historique lâcheté de groupes politiques comme la L. C. R ou le P. C. F. Leur condamnation aveugle et mal renseignée de toute action sortant de la tradition du tract, de la manifestation, ou de l'urne. On sera aussi assourdi par le traditionnel silence des milieux culturels et artistiques pourtant si prompts à nous demander de venir faire les gentils sauvages dans leurs églises. 

Saboteurs ! Saboteurs ! Sapeurs peut-être. Voilà pourquoi jusqu'à nouvel ordre et pour que l'amalgame soit clair nous porterons en logo « l'objet/preuve » de la haute technicité de la dangereuse ULTRAGAUCHEANARCHOAUTONOME, soit, un crochet en fer à béton soudé. 

Incarcérez ! Incarcérez ! Et vos prisons deviendront bientôt nos plus belles universités ! 

Pour les interpellés du 11 novembre, nous ne souhaitons rien d'autre que ce que nous souhaitons à tous : liberté et leur adressons un salut fraternel avec une pensée particulière pour l'un d'entre eux. 


Echelle inconnue 

vendredi 14 novembre 2008

Affaire sncf ou l'emballage médiatique

Le 11 Novembre au matin, une dizaine de personnes sont appréhendées au sujet des incidents survenus récemment sur les lignes SNCF et placées en garde à vue dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Les accusations de notre ministre de l'intérieur déclenchent aussitôt une fièvre spectaculaire médiatique où l'on peut lire et entendre tout et son contraire au hasard des éditions. Seul la culpabilité d'une « mouvance anarcho-autonome » fait l'unanimité. Encore une fois, les médiats se font l'écho du gouvernement, rejetant la présomption d'innocence alors que les personnes arrêtées sont encore en garde a vue.


A ce jour, aucune preuve matérielle ne vient étayer l'hypothèse policière, alors que les suspects étaient surveillés et filés depuis des mois jusqu'au soir même. Mais il faut des coupables et vite! Ces dix personnes peuvent voir leur garde à vue prolongée jusqu'à 96 heures, 4 jours, dans les conditions dont l'on se doute sous le feu roulant et continu des interrogatoires, nourris de quelques sandwichs, dormant peu, ne pouvant se laver. Le Gouvernement est dans son rôle, pointant ceux qui, par leurs écrits, leurs façons de vivre, offre un autre possible que la société marchande. Il a besoin d'un ennemi pour vivre. L'injustice, l'isolement et la peur sont ses outils pour s'en fabriquer. La Direction Centrale du Renseignement Intérieur, créée cet été, doit prouver sa pertinence et son budget en faisant du rentable et du chiffre. Il faut des boucs émissaires.


Les unes de nos journaux vont de supputations en procès d'intention avec l'assurance de la vérité, jouant une pièce pour la millième fois. Les irlandais de Vincennes ne sont pas loin pourtant... Le quatrième pouvoir ne lâche pas la bride. 10 jeunes gens désignés comme terroristes, subissent des lois d'exceptions sans une preuve, avant même une inculpation, parce que quelques trains ce sont arrêtés, comme cela arrive tout les jours avec des gamins tirant sur les sonnettes d'alarmes... Hier le GIGN sautait sur un bateau parce que des grévistes utilisaient leur outil de travail, des juges même étaient bousculés en défendant le leur... Aujourd'hui des manifestants croupissent en préventive pour avoir transportés des fumigènes et des clous tordus pour crever des pneus, des Maires même, des élus, des magistrats sont menacés s'ils n'appliquent pas le service minimum lors des grèves...


Nous ne savons pas, nous anarcho-syndicalistes, ce qu'est une « mouvance anarcho-autonome », terme facile et flou inventé par les policiers. Nous savons ce qu'est l'anarchisme ouvrier, nous savons ce qu'est l'autonomie prolétarienne. Nous nous souvenons qu'un secrétaire général de la CGT, un fondateur, a théorisé le sabotage comme outil de lutte lorsque la grève et la manifestation ne sont plus possibles. Il fait partit de l'héritage du mouvement ouvrier, comme nos mutuelles et nos syndicats. Ce sont des anarchistes qui les ont créés, afin d'être autonome devant les corporations et les dames patronnesses. Un saboteur est il un terroriste? Un train sans électricité vaut il un détournement d'avion, voir les guillotines de Robespierre? Il est vrai que les résistants de la SNCF étaient appelés terroristes. La terminologie est réservé au pouvoir. Quel que soit l'auteur de ces sabotages, quel que soit ses motifs, une loi d'exception est absurde. Nous voyons a quel point notre société policière peut facilement, avec ses fichages, ses dérogations, sa puissance reprendre notre maigre liberté et notre faible égalité.



Libération immédiate des personnes arrêtées

Abolition des lois sécuritaires LSI, LSQ et Perben




Où l'on fiche un peu plus

Arrêté le 28 janvier alors qu’il rentrait chez lui après un concert, plaqué au sol et étranglé, traîné au commissariat avec une seule de ses chaussures, A. passe 15 heures en garde-à-vue après une arrestation « musclée ». On lui reproche des dégradations commises dans le secteur de son arrestation. Indices ? Des policiers en civil auraient entendu un bruit un peu avant son arrivée. Précisons que l’arrestation se produit sur un boulevard, en face d’une
sortie de boîte de nuit…
Inconnu des services d’identité judiciaire et niant tout acte délictuel, son seul tort étant d’être passé par là après une soirée dans un bar, il refuse le fichage à l’Hôtel de Police. Il sera donc jugé à la mi-décembre non seulement pour les dégradations qu’on veut lui reprocher, mais également pour refus de signalétique et de prélèvement
ADN ! Bel exemple de la présomption d’innocence. Pas de preuves, du chiffre!

Temoingnage d'un prisonnier de Rouen

Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2008, à la Maison d’Arrêt de Rouen, s’est produit un drame comme il s’en produit si souvent en détention : un détenu suicidaire a pété les plombs et tué Idir, son codétenu. Cette fois-ci ça a fait un peu de bruit, mais les autorités vont tout faire pour étouffer l’affaire avec des fausses réponses, avant que le rideau opaque ne retombe sur la prison. On nous parlera de la détention des "fous", et de la nécessité de les isoler ; alors que celui qui ne rentre pas en taule déjà fou, doit lutter pour ne pas le devenir. On nous parlera du besoin de rondes plus fréquentes, mais sans à peine remettre en cause les conditions de détention. Encore moins la détention elle-même. Quand les gestionnaires de ces lieux de mort s’inquiètent d’éventuels suicides, c’est uniquement qu’ils ont peur du scandale. Leur seule solution sera d’augmenter les doses de cachetons. Au mitard ils sauvent le détenu suicidaire en le foutant à poil pour qu’il ne trouve le moyen de se pendre. L’administration gère le flux des prisonniers, et les case où elle veut en jouant éventuellement les agences matrimoniales selon ses critères. A la privation de liberté vient s’ajouter la promiscuité forcée avec d’autres détenus avec qui tu dois t’entendre. Dans un environnement plein de frustrations, une embrouille part vite. A trois dans une cellule de moins de 10 m², pas moyen de s’esquiver : ça finit donc parfois violemment. Idir avait demandé à changer de cellule. Mais en prison, comme souvent ailleurs, tu n’obtiens que ce que tu arrives à arracher. Et exiger une cellule seul peut te conduire au mitard. Tu n’es rien de plus qu’un numéro aux mains d’une administration toute puissante et ses matons-soldats dociles. Et ils auront beau te dire poliment bonjour, ils sont là pour t’écraser. Quand on te traite en chien, tu peux finir par le devenir... chien soumis ou chien enragé. Quand éclate la folie, la rage, le désespoir, la rancune, c’est dommage que ce ne soit pas toujours à la gueule de nos véritables ennemis. A bas l’enfermement ! Vive la révolte ! 

Relaxe pour Alexandre

Le 10 Octobre, la relaxe prononcée en première instance a été confirmée par la Cour d'Appel de Rouen.
Bientôt un compte-rendu et un communiqué.

Merci à tous ceux qui soutiennent le refus de fichage ici et ailleurs, d'une façon ou d'une autre.

SOLIDARITE AVEC LES CAMARADES INCARCERES



Mardi 2 septembre, plusieurs actions de solidarité avec les prisonniers ont été faites devant les prisons. A 9h, des prisonniers et prisonnières de Rouen ont pu voir une banderole « FEU AUX PRISONS » flotter dans les airs et, voir et entendre peu après des pétards et des feux d’artifice. A 21h30, c’est au tour des prisonniers de Villepinte de voir un feu d’artifice. 

Le lendemain, on pouvait voir une banderole « LIBERTE POUR LES PRISONNIERS » près de la prison de Villepinte et sur l’autoroute A1 en direction du centre de rétention du Mesnil Amelot : « AU MESNIL AMELOT COMME AILLEURS, A BAS LES PRISONS ». 

Ces actions de solidarité avec les prisonniers s’inscrivent dans le cadre de l’appel à actions faisant suite au rassemblement devant la prison de Fresnes le 2 juillet. 

Entre autres, c’est parce qu’il y avait à cette manifestation une banderole « COMME A VINCENNES, FEU AUX PRISONS » que 4 camarades passaient en procès le 3 septembre (reporté au 14 octobre à 13h30 à la 11e chambre du Tribunal de Créteil). 

Bien que le pouvoir cherche à isoler et réprimer les révoltés, de nombreux actes de rébellion persistent dehors comme dedans : que ce soit des blocages comme à la Maison d’arrêt pour femmes de Rouen en juillet (voir « solidarité avec les prisonnières en lutte de Rouen »sur indymedia Nantes), des mutineries comme à la Maison d’arrêt de Bois d’Arcy en août, des incendies des centres de rétention de Vincennes en juin, de Nantes en juillet, du Mesnil Amelot en août, et en Belgique. Ces actions sont une manière de réaffirmer que les prisons ne se réforment pas, ne se ferment pas : elles se détruisent. Se solidariser avec les mutins, c’est aussi une façon de nous lier aux luttes à l’intérieur des prisons contre la bonne marche du système carcéral, et surtout exprimer notre rage contre ce monde d’exploitation, de contrôle et d’enfermement. 

Ces actions de solidarité ont eu lieu devant les prisons de Rouen et de Villepinte, pour, par delà les murs, saluer les prisonniers et nos camarades Isa, Juan, et Damien qui y sont enfermés. Ils sont en détention préventive, accusés d’avoir tenté de brûler une voiture de flics pendant la période électorale de mai 2007. Tous trois sont sous instruction anti-terroriste. (voir http://infokiosques.net/mauvaises_intentions.). 

LETTRE DE JUAN DEPUIS LA PRISON DE ROUEN

Durant la période électorale qui a vu l'arrivée de Sarkozy à la présidence, l'ambiance est à la colère et à la révolte. De manifs sauvages à des bris de vitrines de permanences d'élus, de nombreux actes marquent cette période. Début mai, il y a eu aussi une tentative d'incendie d'une voiture de flics (dépanneuse) devant un commissariat de Paris. 
C'est pour cette tentative qu'Isa, Juan et Damien sont en détention préventive, au motif que leurs ADN, pris à leur insu ou de force, auraient été retrouvés sur l'engin incendiaire. 
Tous les trois sont sous le coup d'une instruction antiterroriste. 

J'écris depuis la prison de Rouen, qui s'est une nouvelle fois illustrée le 10 septembre par la mort d'un détenu, victime de la folie... de l'Administration Pénitentiaire. 

Ca fait maintenant quatre mois que je suis en détention provisoire pour terrorisme. 
Terrorisme ! Quel outil formidable pour l'Etat ! Le terrorisme vient aujourd'hui justifier des mesures de contrôle et de fichage de plus en plus poussées au nom de notre sécurité. On ne s'étonne même plus de croiser dans les gares des militaires, mitraillettes à la main. Démocratie ou pas, la peur reste le meilleur moyen pour soumettre et gouverner. 

Dans l'imaginaire collectif, le terroriste, avec le pédophile, est devenu une des figures même du mal. D'un côté il a le visage de monsieur tout le monde, ce qui en fait une menace permanente et insidieuse qui ne peut se combattre que par un contôle généralisé de plus en plus strict. Et de l'autre, il a le visage repoussant d'un monstre sanguinaire, fasciné par la violence et n'ayant plus rien d'humain ni de commun avec nous pour éviter qu'on le comprenne et que de tels actes se propagent. Apposer l'étiquette de terroriste sur quelqu'un, c'est donc le condamner au bannissement. Qui soutiendrait des barbares pareils ? 

C'est une habile manoeuvre politique pour isoler et affaiblir. On fait passer des amis, des camarades de lutte pour des illuminés en décrédibilisant les moyens considérés comme violents (sabotage, bris de vitrine, etc) autant que le sens politique de leur action. Diviser pour mieux régner, rien de nouveau. On fait le tri entre la contestation « raisonnable », que l'Etat tolère, voire intègre pour se renforcer ; et celle sauvage et non autorisée, plus difficilement récupérable. On frappe fort sur quelques-uns pour que tout le monde ferme sa gueule et sache à quoi s'en tenir. Evidemment pour être efficace, ça doit servir d'exemple, on ne peut pas faire de tout le monde des terroristes. 

La Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne (MAAF), l'organisation terroriste à laquelle nous sommes supposés appartenir, rend bien compte de cette intention. Vous n'avez jamais vu de tract ou d'attentat au nom de la MAAF. Et pour cause : ce sexy sigle est une invention policière, le titre d'une catégorie de classification des RG (Renseignements Généraux). Le mot « mouvance » montre à quel point c'est flou. Il peut suffir d'un contrôle d'identité au cours d'un moment de contestation sauvage, de la fréquentation d'un lieu ou d'une personne, d'une lecture ou d'une opinion subversive. Certains thèmes aussi sont plus sensibles comme les prisons ou les sans-papiers ; RESF par exemple est qualifié de mouvement "quasi-terroriste". 

Cette histoire de tentative d'incendie est loin d'être l'affaire du siècle. Et si le pouvoir, relayé par les médias, l'a gonflée au maximum, ce n'est pas que l'Etat craignait de ne pouvoir se relever de ce coup. Malheureusement, il faudra plus qu'un incendie – même réussi - pour mettre vraiment en danger le système. Si l'Etat est attentif et soucieux de ces "menaces" politiques et que cet affront devait être puni, il en a surtout profité pour faire de cette affaire un exemple, répondre à la contestation sociale, et remettre à jour quelques fichiers de renseignements et bases de données policières. 

Nous nions tous les trois notre implication dans cette tentative d'incendie. Mais en vérité c'est un détail. 

D'abord parce que face à la supposée irréfutabilité de la preuve par l'ADN des scientifiques, il est difficile d'expliquer la présence de poils qu'on a pu éventuellement semer, si tant est que ce soient les nôtres ! 

Ensuite parce que la Justice donne peu d'importance à ce qu'on a à dire. Elle n'a pas besoin de toi pour te juger. Qu'importe ce que tu as réellement fait. Si tu as le profil, et il peut suffir d'une garde-à-vue, de la participation à une manif ou d'opinions affichées, ça suffit à être condamné. Tout le reste est du théâtre. 

En ce sens, la Justice ne s'est sans doute pas trompée. Je crois bien avoir le profil recherché. Non pas celui d'un fanatique qui veut semer la terreur dans la population pour arriver à ses fins – c'est plutôt l'apanage des gouvernements, qu'ils soient despotiques ou démocratiques -, mais plutôt celui d'un révolté parmi les autres. 

Dans ce monde régi par le fric où la plupart des gens crèvent de faim pour soutenir le rythme de vie des riches ; où le seul horizon pour beaucoup est un travail de merde qu'on est réduit à pleurer au moment de perdre ; où l'ennui et la dépression sont la norme ; où ceux qui n'ont pas de papiers doivent raser les murs ; où la nature devient un luxe pour touristes ; où notre pouvoir sur nos vies se limite au choix de la chaîne télé, du bouffon qui nous gouverne, et de la marque de lessive ; où la police te rappelle à chaque instant de fermer ta gueule ; et où la prison t'accueille si tu déroges à la règle. 

Dans ce monde moisi, il serait malvenu de pleurer la carcasse cramoisie d'une voiture de flics. Nous n'avons que trop de raisons de nous révolter. 

Ce n'est pas la répression qui nous les enlèvera. 

En taule comme dans la rue, que la lutte continue avec rage et joie !